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Pierre runique de Ramsund

Pierre de Ramsund
Le Fáfnismál ou Dit de Fáfnir est un poème héroïque de l'Edda poétique.
Il évoque la mise à mort par Sigurd de Fáfnir puis de Regin.

Texte et illustration de ekerilaR

Voici la pierre de Ramsund (dalle au bord du lac Mälar, en Suède), une pierre runique du XIème siècle. C'est un exemple artistique Norrois en style dit "de Ringerike" Utilisé de 1010 à 1050 ces "bandeaux runiques" se terminaient par des profils de têtes d'animaux (souvent des serpents). Cette pierre commémorative est illustrée par la légende germanique de Sigurdr que l'on retrouve dans la völunga saga et le fáfnirmál.

(Les couleurs ont été rajoutées pour une meilleure compréhension)
Cliquer sur l'image pour agrandir


1 - Fáfnir et l'inscription en futhark nordique récent à 16 runes (danois):
Sigrid faisait partie d'une famille influente de fermiers du lac de Mälar, les eaux étant plus hautes à cette époque, la région de la pierre était sur une petite île, elle a donc fait construire un pont. La légende de Sigurd veut que Loki tua une loutre qui était en fait Otr, le fils de Hreidmar et frère de Fáfnir et Regin. En guise de réparation, ils leur fût donné de l'or que Loki vola au nain Andvari, (y compris un anneau, qui deviendra pour Wagner, l'anneau des Nibelungen), et dont il prédit qu'il causerait la mort de quiconque le posséderait. Fáfnir et Regin voulurent leurs parts du trésor mais leur père refuse et ils le tuèrent. Fáfnir prit l'apparence d'un serpent et se coucha sur son or.
Quant à Regin il devint forgeron avec comme élève Sigurd et le poussa à s'emparer de l'or de Fáfnir.
2 - Sigurdr tue fáfnír avec son épée Gramr

3 - Sigurdr cuit le coeur de fáfnír ( que Regin veut manger afin d'en acquérir la force et les pouvoirs) mais il se brule le pouce en voulant savoir si celui-ci est prêt et le porte à sa bouche pour soulager la douleur).

4 - Des mésanges chantent son avenir à Sigurdr (qui les comprend, ayant ingéré du sang du dragon qui était sur son pouce et ainsi acquit une part de ses pouvoirs) notamment que Regin va tenter de le tuer.

5 - Regin a la tête tranchée par Sigurdr pendant son sommeil,
on le reconnait grâce à son enclume, ses tenailles, son marteau et son soufflet.

6 - Otr, en loutre, le frère de Regin et Fáfnir

7 - Grani, le cheval de Sigurdr attaché à un arbre

ekerilaR

Drakkar vous avez dit Drakkar?

Le génie des "Vikings" se mesure à la construction de leurs bateaux.

Le terme Drakkar n'existe pas et a été inventé durant la période romantique en 1840. Le mot français utilisé à l'origine était esnèque. Le bateau "viking" s'appellent pour les normands : (knörr, skeid, langship, karfi, skúta, byrdingr) qui n'était pas de grande capacité. Dans la mythologie, les nains fabriquèrent le bateau Skidbladnir. Loki fit don à Freyr. Ce navire permettait de naviguait sur terre comme sur mer, en changeant de taille à volonté, comme rentrer dans une poche ou contenir toutes les divinités d’Asgard.
Il embarquait, en moyenne, une quarantaine d'hommes, avec leurs vivres, leur matériel et leur cargaison. Ajoutons-y les quelques chevaux indispensables aux reconnaissances à terre et aux descentes éclairs. [...] le bateau de Gokstad (Norvège), qui date du IXe s., [est] un knörr, lequel a pu être le véritable bateau viking, apte à faire indifféremment du commerce et des incursions guerrières. [...] (Régis Boyer, Les vikings, 800-1050, "La vie quotidienne", Hachette Littérature, Paris, 2003, p. 131 et 138).
Construction d'un bateau viking
Les bateaux de guerre "herskip":
- la "snekkja" et le "langskip" (littéralement le bateau long) avec lequel ils pouvaient utiliser la voile ou les rames, à faible tirant d'eau, sauf lesté de pierres, et qui leur permettaient de déplacer le bateau à l'intérieur des terres, de remonter des fleuves etc. Des flottes de ces navires longs et étroits attaquèrent les côtes, de la Northumbrie, en Angleterre, jusqu'à l'Afrique du Nord, s'installèrent dans les îles Britanniques et en Normandie, faisant des Vikings la puissance maritime dominante de l'Europe entre l'an 800 et l'an 1100.
- la "skeið ", de grande dimension et servant de croiseur lourd.
- le " dreki ", navire de guerre prestigieux dotés de figures de proue et de poupe.


Régis Boyer:
Les termes "techniques" qui viennent d'être énumérés sont à peu près tous sujets à caution [...]. D'autant que nous aurons à parler de la figure de proue : par métonymie, elle servait souvent à dénommer le bateau tout entier. Donc : le Bison, le Bélier, le Serpent, la Grue, etc., selon l'animal plus ou moins stylisé qui était sculpté à l'étrave. Or,statistiquement si l'on peut dire, cette figure représentait surtout un dragon, dreki en vieux norois, pluriel drekar.De là vient certainement l'absurde et indéracinable drakkar qui est une spécialité française et combine une faute de nombre, une de morphologie et une d'orthographe. (Régis Boyer, Les vikings, 800-1050, "La vie quotidienne", Hachette Littérature, Paris, 2003, p. 131 et 138.)
Concernant le dragon:
Les navires nordiques avaient une proue surmontée d'une tête grimaçante de dragon car ils espéraient ainsi effrayer les Landvaettir du pays où ils abordaient : en revanche ils enlevaient cette tête lorsqu'ils arrivaient en territoire ami. (L'Edda Poétique - Boyer P.45)
Dans le Nord comme ailleurs, le dragon joue un rôle primordial pour la promotion du héros : c’est le cas de Sigurdr justement sur­nommé Fâfnisbani, « meurtrier de [du dragon] Fâfnir », ou d’autres héros de sa descendance, comme Ragnarr lodbrôk. Combattre un dragon sera une prérogative quasi naturelle de tout protagoniste de fornaldarsaga (saga légendaire).

D’autre part, Midgardsormr - le Grand Serpent de Midgardr -, l’un des trois enfants monstrueux de Loki, est un dragon (ou ver ou serpent : le mot ormr est ambigu), qui gîte dans la Grande Mer ; il se mord la queue et, lorsqu’il relâchera son étreinte, ce seront les Ragnarök. Ce dragon est l’ennemi déclaré de Thôrr qui ne manque aucune occasion de l’affronter, sans succès toutefois jusqu’aux Ragnarök. Reste le dragon Nidhtoggr qui ronge le pied du grand arbre cosmique Yggdrasill et nous est donné pour l’ennemi mortel du faucon Vedrfölnir perché sur la cime de l’arbre.
Régis Boyer - Héros et Dieux du Nord - Ed Tout L’Art (1997)
6000 ans d'évolution:







"Au Néolithique, les habitants des côtes danoises construisaient des pirogues : les plus anciennes datent d'environ 5 000 ans avant notre ère. Utilisant des outils de silex, des hommes sculptaient déjà des grumes de tilleul, bois tendre et résistant, jusqu'à obtenir une épaisseur régulière de deux centimètres. Ces pirogues "monoxyles", dont la longueur atteignait dix mètres, s'aventuraient apparemment en mer, à la pagaie, pour la pêche à la morue, à la baleine, ainsi que pour des raids. Certaines servirent de sépulture. (...)

Des gravures, sur des pierres tombales de l'île suédoise de Gotland, représentent des bateaux à voile vers l'an 700, mais les plus anciens vestiges d'un mât proviennent d'un bateau royal construit seulement vers 815 et enterré à Oseberg vers 835. À cette époque, la voile avait plus de quatre millénaires d'histoire ; les bateaux à voiles celtes croisaient dans les eaux proches de la Scandinavie depuis l'époque de Jules César. Selon l'archéologue norvégien Arne Emil Christensen, le plus grand spécialiste des premiers navires vikings et de l'introduction de la voile, la résistance à l'utilisation de celle-ci était moins technique que culturelle : pour les Vikings, les vrais hommes rament. Les anciens devaient mépriser les jeunes, qui étaient trop paresseux pour ramer comme eux et qui voulaient traverser la mer en se laissant porter par le vent. Cependant, les avantages de la voile prévalurent finalement.
(...)
La rame avait transporté les ancêtres immédiats des Vikings jusqu'à la Russie, à l'Est, et jusqu'aux îles Britanniques, à l'Ouest, mais c'est avec la voile que les Vikings envahirent l'Ancien Monde. Suite sur: pourlascience

Celtes - Vikings - Gaulois? Quesako?

Bien souvent, les gens confondent les celtes et les vikings. Ce qui est normal puisque la littérature romantique a un peu tout mélangé...aidée par les jeux vidéos, films.

Déjà, aucun "Viking" n'avait de casque à corne, as davantage les celtes. Ils n'étaient pas plus sanguinaires que les autres peuples de cette époque. Les "Vikings" ont inventé les lois (La Lore), le parlement - Le Thing - Pas plus courageux qu'un autre non plus, ni très bon guerrier mais stratégiquement efficace. Quant au terme "Viking", il doit être utilisé avec précaution car il ne s'agit que d'une période (793 - 1066). Les celtes et les germano-scandinaves se sont côtoyés bien avant que l'on ne parle de la période viking. En revanche, à l'époque Viking, le celtisme n'existaient plus depuis longtemps. Les celtes ayant été converti au christianisme depuis les romains , puis en Ireland par Saint-Patrick et son trèfle qui expliquait la trinité, vers le IVe Siècle. Le celtisme ne peut survivre sans son organisation où tout tourne autour du Druide qui est plus important que le roi. C'était un système complexe de castes et clientélisme, dont nous n'avons que peu de traces actuellement. Les Druides n'avaient plus leur place dans l'administration qu'imposaient les romains.

Les Germains nommaient les celtes: "Walχisk" (étranger), devenu en allemand moderne Welsch, (un terme péjoratif qui désignait les populations de langue romane). Les Germains (Angles, Saxons et Jutes) arrivés sur le sol britannique au Ve siècle de notre ère ont utilisé ce même terme pour qualifier les celtes du Pays de Galles : Welsh, et de Wales leur pays. De même, le français Gaule et gaulois procède du même terme germanique : Walha et Walhisk, cependant il y a eu métathèse de /l/, d'où Wahla >> Gwaula >>> Gaule
Ils étaient soit:
Arvernes - Carnutes - Bituriges - Helvètes - Vénètes etc
Celtes: "keltoï" - est un terme grec
Gaulois: "galli"- est un terme d'origine latine

Il étaient physiquement grands avec une chevelure blonde grâce à une teinture à l'eau de chaux qui éclaircissait les cheveux des Gaulois même bruns, ou d'une teinture, le sapo utilisé comme onguent (les gaulois ont inventés les premiers une sorte de savon) à base d'un mélange de graisse de chèvre , de bois de hêtre et de suc de plantes qui donnait une chevelure blonde tirant vers le roux.

Contrairement aux clichés légués par certains historiens, La Gaule, à la veille de la conquête romaine, est un pays d'alternances de forêts, de plaines cultivées, de bocages et de cités fortifiées, sillonnés de routes, pour certaines empierrées, donc d'un espace densément mis en valeur.
L'archéologie, en particulier aérienne, a démontré que des milliers de fermes gauloises mais aussi certaines villas gauloises étaient aussi étendues que les futures "villae" gallo-romaines. Ces structures gauloises quadrillaient le territoire aux IIe siècle av notre ère. Les fouilles réalisées dans les oppida, par exemple à Bibracte, ont mis en valeur une structure urbaine complexe et élaborée.


Les différents peuples gaulois

Ces différents peuples étaient reliées par une même philosophie religieuse complexe et uniquement orale. Les études d'un Druide duraient 23 ans. Il s'agissait d'une caste bien particulière qui n'a rien à voir avec un sorcier au chapeau pointu, mais plutôt d'une des castes les plus élevée. Le Druide était un érudit philosophe, médecin, administrateur, qui avait un rôle aussi important que le roi sinon plus. (Il est dit que le Roi ne pouvait parler avant le Druide) Bien sur il officiait lors des cérémonies religieuses. L'imagerie populaire des gaulois et du druide Panoramix sont très loin de ce que furent les druides.
L'arbre celtique vous permettra d'avoir des renseignements concrets sur le sujet...avec des bases scientifiques et archéologiques. La religion celtique à connu de grands dommages, déjà par les romains qui ont détruit (physiquement ou par conversion) la structure politique celte, dont le Druide avait une place prédominante, et ensuite par les invasions.
Sans cette structure particulière, la religion celtique n'a pu survécu.

Héritage Gaulois:
Les gaulois ne nous ont pas laissé d'héritage littéraire, puisque l'écrit était interdit, mais ils ont inventé le tonneau, le savon, la roue, l'art culinaire, la cotte de mailles celtique (qui fut sans doute le modèle utilisé par les Romains et Viking - son usage se répandit en Europe au haut Moyen Âge).


Période celtique: Vème au Ier siècle environ AVANT J.C
Tout dépend des régions.
- 600 avant J.C: Arrivée et fixation des Celtes (Carnutes).
- 58 avant J.C: Conquête de la Gaulle.
- 52 avant J.C: Bataille de Gergovie puis Alésia.
En Irlande au Vème siècle après JC par St Patrick
- Ier au IIème s ap. JC : Civilisation gallo-romaine
Clovis, roi Franc, se converti au christianisme en 496.

Période Viking: 793 et 1066 environ APRES J.C
A la fin de l'ère Viking, les scandinaves étaient déjà presque tous convertis. Le premier colon est le norvégien Ingólfur Árnason. Il était accompagné de son frère juré, Leifr. Ils s’installèrent dans les alentours de Reykjavík en 874.
- Vers 999: Les Islandais adoptent le christianisme lors d’un vote au Althing. (conversion à partir de 990)
- Vers 1000: Conversion de la Norvège par le roi Ethelred II
- 1000-1016: Conversion au christianisme du Danemark par Sven à la barbe fourchue.
- Vers 1200: Conversion de la Suède au christianisme.

Le roi Olaf Tryggvason est celui qui a joué un grand rôle dans la christianisation des scandinaves en les forçant à se convertir. Ce Jarl (roi) sanguinaire et mégalo, a donné à ses vassaux le choix entre le christianisme ou la mort. Il a aussi imposé le christianisme aux îles Shetland, Orcades et Féroé et a joué un rôle important dans la conversion de l’Islande, toujours à travers les menaces.

Selon "La saga d’Eirik le Rouge", il aurait donné à Leif Eriksson un mandat lui permettant de christianiser le Groenland. Le christianisme a mis plus de temps à se développer en Suède. Pas avant le douzième siècle. Tryggvasson a rencontré une résistance efficace!

Il faut dire qu'à l'époque, il est plus facile de faire du commerce quand on était chrétien et de mieux contrôler un royaume...donc ceci impliqua aussi cela.

L'avantage qu'ont eu les scandinaves a été d'être converti au christianisme plus tardivement.
Le latin leur a permis d'écrire des textes, et de faire perdurer leur religion. Bien sur, emprunte parfois de christianisme. Mais la plupart des textes sont pré-chrétiens, eddatiques.

De haut en bas:

- En haut à gauche: Casque dit "de Sigurd"découvert en Suède, dans une barque funéraire (VIIe siècle, Upplandsmuseet, Uppsala
En haut à droite: Casque celte(fer - bronze - corail - fin du IVème siècle AV JC)
- Torques celtiques

Les Fils d'Odin

Odin est le père de:
  • Thórr: (Þórr en norrois) - l'Ase à la taille de Géant - Dieu du tonnerre, de la fertilité, grand magicien - Protecteur - Mjölnir sert aux mariages et est un symbole de paix - Le manoir de Thorr, Bilskirnir (Éclat scintillant) est située dans le royaume de Thrudheim "Þrúðheimr" (Séjour de la force) ou Thrudhvangr "Þrúðvangr" (champ(s) de force), qui contient 540 pièces, et où il vit avec sa famille. Il possède le plus grand palais d'Ásgard "Ásgarðr" (l'enclos, le domaine des Dieux).
  • Baldr: Archétype du Dieu parfait - Dieu de la lumière, du renouveau, qui n'est en aucun cas le christ blanc issu d'une quelconque christianisation. Sa représentation sur des pierres runiques et sur des glyphes le représentent bien avant toute forme de christianisme. Il symbolise le sacrifice des Dieux par sa mort pour la survit de l'univers -
  • Hermód: messager des dieux - Il osa s'aventurer dans le royaume des morts pour rencontrer Hel afin qu'elle libère son frère Baldr.
  • Höd: Dieu aveugle des ténèbres et de l'hiver, qui tua sans le savoir son frère Baldr à cause d'une ruse de Loki)
  • Vali/Ali: origine incertaine - Ali serait son autre nom d'après Snorri Sturluson - Fils d'Odin et de Rind, engendré pour venger la mort de Baldr.
  • Vidar: (Viðarr en norrois) - Ase taciturne de la forêt, de la vengeance et du silence. Sa salle qui s'appelle Vidi est l'endroit le plus calme d'Ásgard. Il est l'un des dieux les plus forts, avec Thor, Magni et Modi et l''un des survivants du Ragnarök. Le jour du Ragnarök, il vengera son père Odin en arrachant la mâchoire de Fenrir.
  • Saga: Sa fille est la déesse de la poésie.


Odin, est réputé pour avoir 1000 noms. Il est le mari de Frigg (la terre cultivée) et fut aussi celui de Jörd (la terre inhabitée), ainsi que de Grid et de Rind (la terre hivernale et gelée). Odin est le fils des Géants Bor et Bestla. Il donna vie à deux troncs d'arbre nommés Ask (l'homme) et Embla (la femme). Il est donc appelé Alfadyr "Père des êtres" ou encore Veratyr "Dieu des Hommes" et Gaut/Gautr "qui donne naissance aux hommes".


Idées préconçues sur les gaulois

Interview de Christian Goudineau dans Marianne2.
Professeur au collège de France, titulaire de la chaire des Antiquités nationales.

"Goscinny a accumulé anachronismes et erreurs.
Mais quel bonheur !"
Dixit C.Goudineau

Une erreur historique qui arrange tout le monde?

Marianne: Il paraît que les Gaulois ne craignaient qu'une seule chose, que le ciel leur tombât sur la tête..

Christian Goudineau: "Mais ce n'est pas demain la veille", comme se plaît à dire le chef Abraracourcix. Non, c'est une légende tirée du géographe grec Strabon. Il raconte que, jadis, recevant des Celtes, Alexandre le Grand leur demanda de quoi ils avaient le plus peur. Réponse espérée, bien sûr: de lui-même. Les fiers barbares s'en tirèrent par une boutade qu'on a fini par prendre au premier degré.

La cervoise tenait-elle, dans les ripailles gauloises, la place dévolue par les auteurs d'Astérix ?
Ch.G.: Non, encore. Les Gaulois buvaient bien une sorte de bière à base de froment ou d'orge, mais, sans houblon, elle se conservait mal. En revanche, ils adoraient le vin importé d'Italie, que notre village semble ignorer. Des millions d'hectolitres arrivaient du Latium et de la Campanie par bateaux ou par charrois, et les énormes monceaux de débris d'amphores mis à jour par les archéologues permettent d'évaluer l'ampleur de la consommation. Le vin jouait un rôle important dans la redistribution rituelle des richesses. Les chefs et les aristocrates en régalaient leur clientèle populaire au cours de fastueux banquets, qui devaient ressembler à ceux qu'on voit en dernière page des albums d'Astérix. Très alcoolisé, le lourd vin romain était avalé sans eau au cours de ces agapes qui scandalisaient les visiteurs plus raffinés.
Les petites paillotes rondes où habitent Astérix et ses amis, c'est historique?
Ch.G.: Il s'agit, là encore, d'interprétations fantaisistes. La hutte style Club Med représentée sur la colonne Trajane, à Rome, abritait un Dace de l'actuelle Roumanie et non un Gaulois. Des habitations celtes faites de bois et d'argile, nous n'en avons que des traces au sol: c'est assez pour savoir qu'elles étaient rectangulaires ou carrées pour s'inscrire de part et d'autre de la rue principale des villages. Les maisons riches pouvaient avoir jusqu'à 30 ou 40 m de façade; d'autres n'avaient qu'une pièce, mais généralement avec une cave et un grenier. La décoration, on n'en a aucune idée.

Et notre indomptable village écologique perdu au milieu de la forêt grouillante de sangliers, il est typiquement gaulois ?
Ch.G.: César, dans sa Guerre des Gaules, recense trois sortes d'habitat. Il y a les oppida, ou places fortes, refuges en cas de guerre mais aussi lieux de culte et de foire. Ces véritables villes, par exemple Bibracte, la capitale des Eduens, pouvaient être aussi étendues que le Paris de Philippe Auguste. Les hameaux, eux, étaient assez semblables à celui d'Astérix. Enfin, des paysans vivaient dans des fermes isolées. Quant à la Gaule «presque entièrement couverte de grande forêt», comme le prétendait en 1877 le célèbre Tour de France par deux enfants, c'est un mythe. Le déboisement avait été intensif depuis l'époque néolithique, et de vastes niches s'étendaient sans défense contre l'érosion. Rien de moins écologique. On a calculé que, pour les seuls remparts de Bibracte, 200 ha ont été rasés, sans compter le bois nécessaire afin d'extraire, fondre et forger les 100 tonnes de fer de la clouterie. Des traces de vie découvertes au fond de certaines forêts d'aujourd'hui paraissent indiquer que, depuis Astérix, le reboisement est allé plutôt bon train.
Et le sanglier, pain quotidien des farouches Gaulois en général et d'Obélix en particulier ?
Ch.G.: Plutôt une friandise. En identifiant les ossements d'animaux trouvés sur les lieux d'habitation, l'archéozoologie permet de se faire une idée assez précise du régime des Gaulois d'avant la conquête romaine. Faute d'avoir trouvé des menus, impossible de savoir s'ils mangeaient de la viande tous les jours; mais, statistiquement, le gibier représentait à peine 1 à 2% de leur alimentation carnée. Plus qu'un moyen de subsistance, la chasse était un sport pratiqué par les cavaliers aristocrates. En effet, des équipements cynégétiques, armes, éperons, etc., ont été découverts dans les domaines patriciens à proximité d'os de chevreuils et de sangliers. Certes, les paysans pauvres devaient prendre par-ci par-là un lapin au collet, mais c'était juste un petit surplus. En bord de mer et de rivières, au contraire, la consommation de poisson était abondante. Un bon point pour Ordralphabétix, l'irascible poissonnier de notre village rebelle.

Les Gaulois mangeaient principalement - les soirs de ripaille ? - les boeufs, moutons et porcs de leur cheptel. Toujours d'après l'examen des ossements, il s'agissait en général de bêtes trop âgées pour donner encore du lait ou tirer la charrue. Cependant, selon la Guerre des Gaules, les riches préféraient les animaux jeunes et tendres, par exemple des brebis qui n'avaient pas encore agnelé. Les Gaulois élevaient, en outre, des chiens pour les manger.

Les bouchers celtiques découpaient la viande à peu près comme, aujourd'hui, les nôtres. Les charcutiers étaient également fort habiles à accommoder les porcs qui vagabondaient près des maisons. D'après Strabon, en visitant un village, il fallait veiller à ne pas se faire jeter à terre par ces animaux petits, mais robustes... La viande était rôtie à la façon d'Obélix, ou bouillie dans des chaudrons. Les têtes et pieds de porc devaient être, si l'on en croit les dépotoirs, très appréciés. Les archéozoologistes, enfin, ont été surpris de compter relativement peu de fémurs de porc. Une seule explication logique: les excellents jambons gaulois étaient exportés au loin ! C'est vrai qu'à l'époque Parme était en Gaule, fût-elle cisalpine.
Et le bouclier, sur lequel des porteurs surmenés transbahutent l'ombrageux et ventru Abraracourcix ?
Ch.G.: Tant pis ou tant mieux pour le fantastique numéro d'équilibriste du Combat des chefs: la cérémonie du pavois fut, mais bien plus tard, une coutume franque. Mérovée et Clovis furent solennellement consacrés sur le bouclier, rien à voir avec la Gaule. Goscinny, le vrai père d'Astérix, a ainsi accumulé les anachronismes avec humour et bonheur. Obélix en train de livrer des menhirs, par exemple, c'est comme si Périclès garait sa Twingo devant le Parthénon. Les derniers mégalithes furent levés deux mille ans au moins avant la guerre des Gaules, et les contemporains de Vercingétorix ne savaient même pas qu'il s'agissait de tombeaux. Quant aux Normands qui ignorent la peur et adorent la crème, ils ne dévasteront le littoral français qu'une bonne demi-douzaine de siècles après Astérix.

La francisque à deux tranchants, est-ce que ce n'était pas plutôt, comme son nom l'indique, une arme franque ?
Ch.G.: Même pas. La hache de jet des Francs n'avait qu'un seul tranchant. L'outil malcommode connu sous le nom de francisque semble avoir été imaginé de toutes pièces à partir du faisceau des licteurs romains, constitué en effet par une hache à deux lames entourée de baguettes pour signifier aux délinquants qu'ils risquaient d'être fouettés ou décapités. On sait comment le faisceau, ou fascio, a été choisi comme symbole par les fascistes italiens, et quelle place a tenu la francisque dans la panoplie vichyste.

Et Panoramix?
Ch.G.: Le vénérable bouilleur de potion magique est montré sous un jour trop exclusivement sacerdotal. Il n'y avait pas de véritable clergé chez les Celtes. Le druide appartenait en fait à une caste supérieure, proche de l'aristocratie militaire. Il était aussi - de nombreux textes romains nous l'apprennent - un administrateur, un diplomate, un officier d'état civil, un juge et à l'occasion un guerrier. L'étendue de ses connaissances en astronomie a, d'autre part, stupéfié César. Aucun doute quand même, les druides coupaient bien le gui sacré au commencement de la sixième lunaison. La faucille d'or dont Panoramix ne se sépare jamais, c'est une autre histoire: son tranchant aurait été incapable de couper la moindre branche, et on n'en a trouvé aucune trace sur les sites gaulois.
Les bardes ?
Ch.G.: En charge de la tradition orale dont, faute d'écriture, le rôle était essentiel, ils composaient et chantaient dans les grandes occasions les hymnes qui assuraient la continuité identitaire de la tribu. Ils intervenaient aussi dans l'éducation des jeunes garçons. On a trouvé, en Armorique justement, plusieurs bas-reliefs représentant des bardes munis d'une sorte de cithare qui ressemble assez bien à l'instrument dont Assurancetourix tire des accords diversement appréciés par les villageois. Un bon point pour Goscinny et Uderzo, sauf qu'aucune sculpture ne montre de barde bâillonné et suspendu à un chêne. Les fouilles continuent...
Dans les albums d'Astérix comme dans notre inconscient collectif, pas de Gaulois sans moustaches, pas de moustaches sans Gaulois. Encore une illusion ?
Ch.G.: Hélas oui, du moins à l'époque de la guerre des Gaules. Les Celtes ont jadis porté des moustaches, mais, si dans l'Antiquité les modes changeaient moins vite qu'aujourd'hui, il y avait quand même des flux et des reflux. Vercingétorix lui-même apparaît résolument glabre sur les pièces de monnaie d'époque. César, qui a fréquenté les Gaulois pendant des années, ne mentionne jamais leurs moustaches, alors que celles des cousins celtes d'outre-Manche l'ont vivement impressionné. Les paysans, certes, ne se rasaient pas tous les jours, mais l'expression «Gaule chevelue» pour désigner les rudes territoires situés au nord de la Provence romanisée procède peut-être d'un dérapage de traduction. En latin, comatus signifie «chevelu», mais aussi «coquettement attifé». Or, toujours sur les monnaies frappées autour de l'an 52 av. J.-C, les aristocrates gaulois arborent des coiffures très élaborées.

Un village gaulois obstinément patriote, qui refuse "mordicus" les avantages de la modernité romaine, c'est vraisemblable ?
Ch.G.: Logique qu'une tribu, et même une ligue de tribus comme celle de Vercingétorix, s'efforce de défendre son identité: mais on ne peut pas parler de patriotisme gaulois. Après tout, ce sont les Eduens qui ont fait appel à César contre leurs voisins celtes... La Gaule était une mosaïque d'alliances, de protectorats, de clientèles et d'affrontements; bref, une abstraction. Guerre «des» Gaules, au pluriel, c'est une expression assez juste. Après la victoire des légions, c'est vrai, il y a eu quelques soulèvements locaux dans le Nord et le Sud-Est. La répression, dont les archives romaines gardent la trace, fut radicale. Deux ans après Alésia, faute de potion magique, c'était terminé.
La "paix romaine" règne sur les Gaules.

Les habitants de notre village armoricain, s'ils sont friands de bagarres, apparaissent surtout comme de joyeux bambocheurs. La vérité était-elle aussi idyllique ?
Ch.G.: Les banquets avec orgie de vin italien, les brasiers où rôtissaient des viandes - mais pas ou peu de sanglier ! -, les déclamations des bardes, soit. Mais l'aristocratie gauloise n'était pas tendre pour autant, les paysans devaient trimer dur. Ah oui, les fameux sacrifices humains dont parle César... Ils ont existé comme dans toutes les sociétés traditionnelles, et même à Rome, mais les contemporains de Vercingétorix préféraient décapiter leurs prisonniers de guerre et, pour terroriser l'ennemi, en exposer les momies desséchées. Simple routine, à l'époque.
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VIDEO

Le Crépuscule des Celtes



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Gaulois, le peuple de France

de Jean-Francis Held

Les auteurs d'Astérix, c'est vrai, ont pris des libertés avec la vérité historique. D'autres l'ont fait avant eux, et avec des arrière-pensées moins innocentes. César a commencé très fort en décrivant les Gaulois comme d'intrépides colosses au corps blanc qu'il a eu d'autant plus de mérite à vaincre. Depuis, les historiens et l'imagination populaire, Amédée - le frère d'Augustin - Thierry, Michelet ou Camille Jullian comme le Tour de France par deux enfants, ont pris le relais. La "celtitude" n'a pas toujours été facile à exploiter: Napoléon III, par exemple, voulait en même temps démontrer que le césarisme était une aubaine pour les peuples et que Vercingétorix était, dans la France vaincue de 1870, un consolateur héroïque du genre Jeanne d'Arc en plus moustachu. Ultimes récupérateurs, Pétain et Le Pen.

Jeu de miroirs ? On dit parfois que les Français d'aujourd'hui, inventifs, rouspéteurs, impétueux mais vite abattus, ressemblent aux Gaulois tels que César les décrit dans la Guerre des Gaules. Il n'y a pas forcément de quoi s'en vanter. C'est le portrait du supposé barbare par le prétendu civilisé, toujours et partout. Ils sont fous, ces Romains ?

Une erreur historique qui arrange tout le monde

Jusqu'au printemps prochain, c'est-à-dire au plus fort de la campagne électorale pour les européennes, la France entière va baigner dans la mythologie - trop simple - de la Gaule et des Gaulois. Souverainistes et europhiles forcenés vont s'arracher le petit moustachu survitaminé, s'approprier les symboles évidents de "ce héros bien français", défenseur des valeurs universelles de la République: la justice, la fraternité, le courage, l'inventivité, l'esprit de résistance surtout. On convoquera Astérix sur le front de l'euro et de l'Europe, sur les champs de bataille de l'économie et du social, oubliant que le plus célèbre de nos personnages de bande dessinée renvoie à une erreur historique que les Français ont toujours trouvée arrangeante.

Français, Astérix ? «Nos ancêtres», les Gaulois ? Manquant de héros fondateurs à l'usage des écoliers, la IIIe République de Jules Ferry s'est inventé une ascendance gauloise pour faire pièce à l'idée répandue à l'époque d'une aristocratie descendant, elle, des Francs (Germains).
La Révolution, dès 1789, avait déjà cherché à sublimer la résistance des héros moustachus, derrière Vercingétorix, en les transformant en une plèbe pré-révolutionnaire en lutte contre les princes et les envahisseurs.

Coutumes, village, vêtements, cuisine... Astérix a tout faux

Quand Astérix et Obélix boutent les Romains hors de leur village, l'histoire de la Gaule a déjà perdu toute chance d'exister en tant que telle. On ne peut pas parler de nation gauloise, mais d'une nébuleuse tribale. Astérix était un Celte, et les Gaulois bretons montrèrent peu d'empressement, dès le début des guerres de César, à combattre les armées venues du sud. D'ailleurs, on comptait plus de Gaulois dans les rangs des légions romaines que parmi les défenseurs d'Alésia (52 av. J.-C.) et de Gergovie. N'en déplaise à Astérix, la France s'est fondée beaucoup plus tard avec Clovis et la chrétienté. Et, aussi sympathiques que soient certains héros gaulois, ils ne devraient pas plus compter, dans notre imaginaire collectif, que les Wisigoths, les Burgondes, les Belges, les Alémans, les Rhénans, bien des Saxons, des Celtes et des Romains. La seule langue, vaguement unitaire, que parla jamais la population des Gaules fut le latin; contrairement aux idées reçues, le catholicisme nous vint des Barbares du Nord et, jusqu'au Ve siècle, avant l'entité française, aucune autorité politique, autre que romaine, n'administra jamais l'«Hexagone». Comme l'explique, dans nos colonnes, le Pr Christian Goudineau, Astérix ne ressemble en rien à son vrai modèle gaulois, ni son village ni ses coutumes vestimentaires ou culinaires.
En fait, dans cette histoire pour enfants et adultes, rien n'est vrai.
Pas même l'esprit français censé en découler. Si les historiens, très tôt, voulurent trouver une origine franque à la lignée aristocratique française, les experts ne se sont jamais mis d'accord pour dater les fonts baptismaux du "peuple de France".
Jean-Francis Held - Marianne2

L'époque où César avait la Gaule

La Guerre des Gaules/Livre I:

Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces nations diffèrent entre elles par le langage, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les Belges sont les plus braves de tous ces peuples, parce qu'ils restent tout à fait étrangers à la politesse et à la civilisation de la province romaine, et que les marchands, allant rarement chez eux, ne leur portent point ce qui contribue à énerver le courage : d'ailleurs, voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin, ils sont continuellement en guerre avec eux. Par la même raison, les Helvètes surpassent aussi en valeur les autres Gaulois ; car ils engagent contre les Germains des luttes presque journalières, soit qu'ils les repoussent de leur propre territoire, soit qu'ils envahissent celui de leurs ennemis. Le pays habité, comme nous l'avons dit, par les Gaulois, commence au Rhône, et est borné par la Garonne, l'Océan et les frontières des Belges ; du côté des Séquanes et des Helvètes, il va jusqu'au Rhin ; il est situé au nord. Celui des Belges commence à l'extrême frontière de la Gaule, et est borné par la partie inférieure du Rhin ; il regarde le nord et l'orient. L'Aquitaine s'étend de la Garonne aux Pyrénées, et à cette partie de l'Océan qui baigne les côtes d'Espagne ; elle est entre le couchant et le nord. Suite

Par Taranis! Non les Gaulois n’étaient pas des brutes moustachues avec des casques à plumes.

Aucun casque à plume ou corne n’a été retrouvé, mais des casques avec une esthétique très travaillées. Autant que leurs épées au tranchant redoutable, qui n’ont connu d’égale qu’avec les sabres des Samouraïs Japonais. Nos ancêtres gaulois/celtes n’habitaient pas dans des huttes à la façon de Goscinny , mais des villes avec une grande place à l’instar des romain, en moins 150 avant JC, avec ses échoppes, tavernes et habitations tout autour. Bien loin de la hutte d’Astérix et Obélix. De vaillants guerriers (dès l’âge de 14ans) chevauchant des doubles poneys qui formaient l’une des cavaleries les plus redoutables de l’époque. A l’instar des germains.

C'est ce que nous fait découvrir ce texte (ci-dessous) issu du dossier « Les Gaulois » dans Le Monde2. C'est un peu long mais cela permet de mieux comprendre ce peuple méconnu.
Ce peuple dont les français se prévalent souvent, en oubliant que le français de souche, le pur français, de part ses origines ne peut pas exister. Nombreuses étaient les tribus gauloises , germaines, nordiques qui formèrent la Gaule par la suite. Sans oublier ce que les ethnies telles que les arabes, juifs, noires et autres nous ont apporté au cours des siècles.

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Le Monde2 - Les Gaulois

Les Gaulois ? Allons donc. Les Bellovaques, les Parisii, les Andécaves, les Calètes, les Trévires, les Médiomatriques, les Carnutes… Et, plus au sud, les Eduens, les Allobroges, les Arvernes, les Santons, les Pictons, les Ambarres, les Séquanes, les Lémovices… et tant d'autres. Cette mosaïque est compliquée. Mais, pour le profane, un mot résume le tout : les Gaulois, habitants de la Gaule.

La France, la Gaule. Rarement nation moderne se sera autant référée aux images d'une si lointaine ancestralité. Des images autant déformées et simplifiées par les histoires officielles successives que par l'imagination fertile de quelques-uns – voire d'un seul, en la personne de René Goscinny, le génial père d'Astérix… Les Gaulois ? Comme le dit dans un sourire résigné l'archéologue Christian Goudineau, professeur au Collègue de France, tout le monde garde les mêmes clichés en tête : des moustachus batailleurs et frustes, arriérés et débonnaires, vaguement sylvestres, redoutant que le ciel leur tombe sur la tête. Avec, en face, la puissance civilisatrice de Rome. Ses temples, son urbanisme tiré au cordeau, ses institutions d'airain, ses légions en ordre. Ce face-à-face fantasmé et obligatoire forme une histoire simple. Un récit, remarque l'archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II), forgée pour l'essentiel au XIXe siècle, en des temps où la France constituait son empire colonial. Une histoire simple, donc, et surtout bien commode. Car elle permet au colonisateur de dire en substance, à ceux qu'il vient de réduire : "Nous aussi, nous avons un jour été conquis et civilisés par d'autres… Alors pourquoi pas vous ?" Histoire simple, histoire fausse.

Dans les années 1960, les premières observations d'archéologie aérienne, menées par Roger Agache, font tomber un premier cliché fondamental, parfois encore enseigné aux écoliers : celui d'une Gaule "chevelue", couverte de forêts, comme l'avaient qualifiée ses conquérants romains. Erreur ! En lieu et place de ce territoire présumé presque vierge de toute agriculture, ce sont des terroirs aménagés autour de grandes exploitations agricoles qui apparaissent sous l'objectif aérien de Roger Agache. Un ensemble de pays mis en valeur, dont l'organisation compte encore pour beaucoup dans l'aspect actuel de nos campagnes.

Les archéologues ne se sont pas arrêtés là. Leurs dernières découvertes, mais aussi la relecture de sites exhumés il y a plus longtemps, dressent un portrait de nos ancêtres de l'âge du fer qui n'a plus grand-chose à voir avec celui du débonnaire Astérix et de son compagnon tailleur de menhirs… De la Somme à la Corrèze en passant par le Puy-de-Dôme, quatre sites exceptionnels racontent chacun son histoire, et tous battent en brèche les vieux clichés tenaces sur "nos ancêtres les Gaulois".

1. DANS LA CITÉ DE CORENT

Sur le site de Puy de Corent (Puy-de-Dôme), on a toujours su qu'il y avait quelque chose. "Pendant les labours, raconte l'archéologue Matthieu Poux, c'est un lieu qui a toujours livré des quantités invraisemblables de matériel gaulois : des milliers de monnaies, des centaines de milliers de tessons d'amphores, de céramiques." Il y avait quelque chose, mais quoi ? Au début des années 1990, des sondages sont effectués au centre de ce plateau de quelque 50 hectares perché à 570 mètres d'altitude et à quelque 20 kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, au cœur du territoire des Arvernes. Ils révèlent la présence d'un lieu de culte romain installé sans doute au-dessus d'un sanctuaire gaulois, mais aucun chantier en règle n'est ouvert.

En 2001, des fouilles entreprises par Matthieu Poux et menées grâce à des bénévoles, étudiants et passionnés, mettent au jour le temple gaulois que les nombreux ossements animaux laissaient deviner. Les archéologues commencent bientôt à retourner la terre hors du sanctuaire. Et ils auraient pu ne rien trouver : le quasi-vide tout autour du lieu de culte aurait été en phase avec l'idée très ancrée de rites gaulois tenus secrets, s'exerçant dans l'obscurité de la forêt et en tout cas bien loin des lieux de vie collective. A Puy de Corent, c'est tout le contraire. "Il semble qu'on ait quelque chose comme un forum “à la romaine”, détaille l'archéologue. Tous les ingrédients sont là : un temple devant une grande place, tout à côté ce qui ressemble à une halle commerciale avec des échoppes d'artisans, une taverne et, tout autour, de l'habitat : voilà une ville." Sur un peu plus d'un hectare dégagé par les chercheurs, un plan urbain, qui semble se mettre en place vers 130 avant notre ère, se dessine.

Près d'un siècle avant la conquête romaine des années 50 av. J.-C., "nos ancêtres les Gaulois" pouvaient habiter de vraies villes. Et cela contre "la représentation primitiviste du Gaulois qui imprègne encore la recherche", constate le fouilleur de l'oppidum (place forte gauloise) de Corent. Dans sa Guerre des Gaules, César évoque pourtant bien les oppida gaulois, mais l'historiographie en a longtemps retenu qu'il ne s'agissait que de petites agglomérations fortifiées servant de refuge aux populations alentours en cas d'attaque. Mais Corent était une véritable cité. Aucune construction de pierre, pourtant, mais des bâtiments aux murs de torchis construits sur poteaux de bois, et qui ­ressemblaient peut-être aux maisons à colombages que l'on rencontre aujourd'hui en Alsace ou en Bourgogne. La question de leur élévation est ouverte. Comme l'est, d'ailleurs, celle de l'étendue totale de la ville. Aujourd'hui, seul un peu plus d'un hectare a été fouillé, mais les chercheurs pensent que le site a pu occuper l'ensemble du ­plateau de Corent.

Une ville, donc. Mais laquelle ? Les quantités considérables de pièces retrouvées sur le site aux côtés de plusieurs coins monétaires indiquent qu'on y battait monnaie : "C'est le signe qu'on est ici au cœur du pouvoir politique arverne", selon Matthieu Poux. Les amphores, dont certaines ont été sabrées, décapitées d'un coup d'épée, abondent aussi : quarante tonnes de céramiques ont été sorties du seul hectare fouillé. Or ces amphores contenaient toutes du vin, produit d'importation fort coûteux en provenance… d'Italie. Les Gaulois qui vivaient là étaient donc considérés par Rome comme un partenaire commercial de première importance ! Des vaisselles à boire de facture grecque, romaine et proche-orientale montrent également que ces relations commerciales s'étendaient jusqu'à la lointaine Palestine…

Le quartier d'habitation fouillé a aussi récemment livré deux fibules en or – sortes de broches servant à tenir ensemble deux pans d'un vêtement – en provenance de Rome. "Dans toute l'Europe, on n'en a retrouvé qu'une dizaine, raconte Matthieu Poux. Ces objets étaient offerts en cadeaux diplomatiques aux personnalités les plus importantes. Même à Rome, elles n'étaient portées que par des personnages de haut rang : officiers, magistrats et, un peu plus tard, empereurs… Elles montrent la richesse et l'importance politique de ceux qui ont vécu ici."


Ce n'est pas tout. Dans le sanctuaire, les fouilleurs ont aussi retrouvé une quinzaine de crânes de carnivores – renards et parfois loups ou chiens. Une bizarrerie : "Ces animaux sont rarement retrouvés dans les sanctuaires gaulois", indique Matthieu Poux. De là à en déduire l'identité des individus qui vivaient ici au IIe siècle av. J.-C., il y a un pas. Un pas peut-être franchi avec une autre découverte faite sur le site : celle de nombreuses monnaies à l'effigie d'un renard ou d'un loup et dont les archéologues sont sûrs qu'elles ont été frappées in situ, comme le montre le nombre important de ratés de frappe. Voici donc la dernière pièce du puzzle : "Nous savons grâce aux historiens grecs et romains qu'un grand roi du nom de Luern a régné au IIe siècle avant notre ère sur le pays arverne et qu'il y a fondé une dynastie, explique Matthieu Poux. Or “luern” signifie “renard” en langue gauloise… Pour moi, ce que nous avons trouvé à Corent n'est autre que le grand sanctuaire dynastique de ce personnage."

Voilà qui pose un problème. Celui de la célèbre bataille de Gergovie, en 52 av. J.-C. Au XIXe siècle, sur la foi d'études de la toponymie des lieux et de fouilles archéologiques organisées par Napoléon III, le plateau de Merdogne – tout à côté de Clermont-Ferrand – est rebaptisé Gergovie. Mais si le pouvoir arverne était en réalité à Corent, pourquoi César aurait-il alors mis le siège ailleurs, à Merdogne, à plusieurs kilomètres au nord ? La solution est peut-être plus complexe… "Les fouilles de vérification menées au milieu des années 1990 autour du site officiel de Gergovie ne laissent pas de doute : c'est bien là qu'eut lieu la bataille, admet le fouilleur de Corent. Mais on peut penser que le développement de la ville gauloise a pu être multipolaire : la grande capitale arverne pourrait avoir été ­formée autour de trois pôles distants de quelques kilomètres : le premier, politique et religieux, à Corent, le deuxième, militaire, à Gergovie, et le ­troisième, plutôt artisanal, à Gondole…"

Du coup, le tout pourrait être ce que le géographe grec Strabon (vers 57 av. J.-C. - 20 ap. J.-C.) nommait Nemossos. Et que, par paresse ou par habitude, on assimile souvent à l'actuelle Clermont-Ferrand. "Selon Strabon, la capitale des Arvernes ­s'appelait Nemossos et la Loire y coulait, dit en effet Christian Goudineau, l'une des figures tutélaires de l'archéologie française, qui porte un œil bienveillant sur cette théorie. Mais on peut penser que Strabon a confondu la Loire avec l'un de ses affluents, l'Allier, qui se trouve précisément passer au pied de Corent…" En outre, les fouilles montrent que la ville a été subitement abandonnée vers 50 av. J.-C., au moment de la défaite gauloise. C'est-à-dire au moment où le pouvoir politique se délocalise dans les camps militaires romains… Les conquêtes modernes montrent, elles aussi, les palais de dirigeants vidés et désertés une fois leur défaite consommée ; le cœur battant de Bagdad n'est-il pas aujourd'hui la fameuse "zone verte", où sont concentrées les forces vives de la coalition victorieuse ?

Gergovie, Corent et Gondole, trois sites pour une même ville ? L'idée est iconoclaste autant qu'élégante. Mais elle ne suffit pas à expliquer les étonnantes découvertes faites au pied de l'oppidum de Gondole, le troisième grand site arverne connu à ce jour.

2. LA SÉPULTURE DE GONDOLE

Pour célébrer le chef de guerre gaulois,
l'imagerie ancienne exhibe volontiers un cavalier moustachu monté sur une bête énorme, de la carrure des destriers médiévaux. Hélas ! La réalité minore bien souvent les images d'Epinal. Ainsi de la cavalerie gauloise. Celle-ci n'est certes pas imaginaire : elle fut même redoutable. Mais elle montait à poney.

C'est l'un des enseignements des découvertes de Gondole (Puy-de-Dôme) qui comptent parmi les plus saisissantes de la décennie écoulée. Huit hommes et huit équidés déposés en deux rangées dans une même fosse. Allongé sur le flanc, chaque homme a une main sur l'épaule de l'infortuné compagnon allongé devant lui. Quant aux montures, les marques que portent leurs membres ne laissent aucun doute : elles étaient soumises à rude épreuve et leurs cavaliers les ont sans doute menées au combat. Mais aucune d'elles ne toise plus de 1,30 mètre au garrot. Dans la terminologie moderne, ce sont donc des " doubles-poneys ". De ceux auxquels on confie sans crainte ses enfants le mercredi après-midi…

L'étrangeté de la découverte montre à quel point les Gaulois nous sont encore largement inconnus. Datée du Ier siècle av. J.-C., la sépulture collective de Gondole n'a pas d'équivalent. "Elle est tellement atypique que certains ont même brièvement pensé, lors de l'exhumation, à des vestiges de la première guerre mondiale !", raconte l'archéologue Vincent Charpentier, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Certains, minoritaires, refusent toujours d'y voir une tombe gauloise et pensent qu'il s'agit plus probablement de mercenaires germains, enrôlés par Rome outre-Rhin et tombés à la bataille de Gergovie en 52 av. J.-C., à seulement quelques kilomètres de là…

Comment savoir ? Aucune arme sur les hommes. Aucun harnachement sur leurs montures. Aucun indice des causes du décès. S'agit-il de cavaliers tombés au combat ? Est-on en présence de sacrifices humains ? César, dans La Guerre des Gaules, raconte que les "clients" – les vassaux, en quelque sorte – d'un noble guerrier gaulois doivent être mis à mort ou se suicider si leur maître vient à mourir de mort violente…

Depuis la découverte de la singulière sépulture, au printemps 2002, au pied du tertre de l'oppidum de Gondole, les archéologues ont continué leurs travaux. Tout à côté, des fouilles ont mis en évidence une intense activité artisanale centrée sur la fabrication de céramiques – de nombreux fours ont ainsi été mis au jour. Quant à l'oppidum lui-même, "les photographies aériennes y montrent une grande densité de structures", signale l'archéologue Ulysse Cabezuelo (Inrap), découvreur de la sépulture collective de Gondole. Mais, situé sur un terrain privé, l'endroit n'a pas encore été fouillé.

A défaut d'accès au tertre, les fouilleurs concentrent donc leur attention à proximité. Avec succès. "Nous avons fouillé 8 % de la plaine en contrebas de l'oppidum de Gondole et nos sondages y indiquent la présence de dix-neuf autres fosses", explique Ulysse Cabezuelo . Toutes situées en surplomb de l'Allier, toutes identiquement orientées. Ces sondages n'ont cependant pas encore donné lieu à des fouilles en bonne et due forme, et les indications qu'ils donnent sont encore limitées. Mais, dans un autre cas au moins, humains et animaux sont mêlés. Quant aux autres fosses, on y trouve les restes d'animaux domestiques, principalement des chevaux mais aussi parfois des caprins, des chiens, etc.

Etranges et insoupçonnées manières funéraires que celles des Gaulois ! Encore celles de Gondole sont-elles relativement aimables. Bien plus en tout cas que celles, effroyables, mises au jour dans le grand sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme).

3. SUR LE CHAMP DE BATAILLE DE RIBEMONT-SUR-ANCRE

Parce que la guerre moderne n'est plus celle des corps- à-corps et des grandes mêlées, les consciences modernes ne s'embarrassent plus guère de ce genre de question : après la bataille, que faire des morts ? En Europe, à l'âge du fer, la question n'est pas seulement pratique, elle est surtout religieuse. Que faire, donc, pour ne pas outrager les dieux ? Donner une sépulture aux vainqueurs et laisser les vaincus pourrir sur le lieu de leur défaite ? Brûler les uns et pas les autres ? Réserver à toutes les dépouilles le même traitement ? Confrontés à ces questions difficiles, "nos ancêtres les Gaulois" ont apporté des réponses compliquées. Les archéologues commencent à en découvrir les ressorts, dans les vestiges du sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme).

Immense, le site n'a été découvert qu'en 1963, grâce aux photographies aériennes deRoger Agache . "On a d'abord pensé qu'il s'agissait d'une grande ferme gallo-romaine", raconte Jean-Louis Brunaux (CNRS/Ecole normale supérieure), dernier archéologue à avoir fouillé l'endroit. Avant de bien vite réaliser qu'il était en réalité composé d'un temple dédié à Mercure, d'habitations et de thermes. Mais sous le site gallo-romain, les premiers fouilleurs découvrent, dans les années 1980, des quantités colossales de matériaux remontant au IIIe siècle av. J.-C. Au total, des dizaines de milliers d'ossements, d'armes ou de fragments d'armes ont été exhumés. Plusieurs centaines de corps ont sans doute été rassemblés sur ce charnier. A Ribemont-sur-Ancre, on s'est donc abondamment massacré : quoi d'autre, sinon une grande bataille, aurait pu produire autant de morts accoutrés pour la guerre ?

Les chercheurs en ont acquis la conviction : c'est d'un sanctuaire guerrier qu'il s'agit. Un ensemble complexe d'enclos érigés par les vainqueurs d'une bataille épique, un lieu destiné à la prise en charge des morts des deux camps. Deux camps : Gaulois belges contre Gaulois armoricains. "La bataille a eu lieu vers 260 avant notre ère, sur une étendue de 150 hectares en contrebas du sanctuaire, idéale pour un affrontement, explique Jean-Louis Brunaux. Des Gaulois belges, les Ambiens, s'installent dans la région après avoir franchi le Rhin. Ce qui est vu d'un mauvais œil par les Armoricains, qui ont la main sur le commerce avec les îles Britanniques mais doivent aussi, pour cela, conserver le contrôle de leur arrière-pays." Les Ambiens écrasent les Armoricains. Et s'installent durablement dans la région : ils donneront leur nom à la ville d'Amiens.

C'est en étudiant les monnaies retrouvées dans deux enclos distincts que les archéologues ont découvert que les corps des vainqueurs et des vaincus tombés au ­combat n'avaient pas subi le même sort. Les Ambiens ont déposé les cadavres des vaincus dans des constructions attenantes à un vaste enclos quadrangulaire délimité par des fossés. Plusieurs centaines de corps – tous décapités, puisque les têtes étaient systématiquement prélevées comme trophées – ont ainsi été entreposés sur ce qui semble avoir été des estrades surélevées. Puis les Ambiens sont revenus régulièrement sur le sanctuaire, pendant plusieurs années, prélever des ossements sur les dépouilles exposées là, pour les broyer, les brûler et pour enfin en placer les esquilles dans des ossuaires situés à l'intérieur de l'enclos… Des ossuaires qui, comble de l'étrangeté, pouvaient être eux-mêmes fabriqués à partir d'ossements humains, comme en témoigne une construction cubique de deux mètres de côté et constituée d'un assemblage d'os longs.

"On a sans doute affaire à un rituel qui a duré plusieurs années, sans doute plusieurs décennies, suppose Jean-Louis Brunaux. C'est une manière de rendre les corps des vaincus aux dieux. C'est parfaitement raconté par l'historien grec Poseidonios d'Apamée (135-51 av. J.-C.) qui nous dit que les guerriers gaulois, parfois en pleine bataille, coupaient la tête de ceux qu'ils venaient de tuer et remettaient le corps à leur servant d'armes, qui l'emportait en procession solennelle… Il ne précise pas où, mais c'était sans doute dans des sanctuaires comme celui-ci."

Quant aux morts du camp victorieux, ils ont été placés par leurs compagnons d'armes dans un enclos circulaire un peu plus petit, délimité par de hautes palissades. Mais il semble que ces corps aient auparavant subi une manière de préparation. Laquelle ? A quelle fin ? Nul ne sait. "Sur ces os, il a été trouvé beaucoup de lésions traumatiques, probablement des lésions de combat mais aussi des lésions d'acharnement ou de défoulement – sur une petite longueur d'os, dix à douze impacts parallèles et ­précis, ce qui laisse supposer que le guerrier sur lequel on a appliqué ces coups était soit mort soit hors de combat, raconte Jannick Ricard , médecin légiste, praticien au CHU d'Amiens, qui étudie les ossements du site. Il y a des lésions de démembrement au niveau d'articulations, notamment au niveau du genou, comme si l'os avait été coupé par un couperet. Enfin, des lésions de décharnement laissent penser qu'on a tenté de préparer les corps – à quelles fins, on ne le sait pas – en enlevant le muscle avec des instruments très fins et très aiguisés."

Ces ossements sont riches d'enseignements. Ils montrent ainsi que ces Gaulois étaient de solides gaillards – à l'exception de quelques spécimens juvéniles, preuve que des adolescents d'à peine 14 ans pouvaient partir ferrailler pour de vrai. "Les individus étaient d'une stature moyenne de 1,75 mètre, ce qui est très important puisque c'est celle des Français actuels", note ainsi Jannick Ricard. Par ailleurs, le médecin a retrouvé des fémurs et des tibias tranchés net, d'un seul coup d'épée. Ce qui témoigne de la force physique des belligérants mais aussi du tranchant de leurs armes, signe d'une incomparable maîtrise du travail des métaux. "On ne connaît rien de tel, dit ainsi Jean-Louis Brunaux, sauf peut-être, bien plus tard, dans le Japon médiéval, avec les sabres des samouraïs."

Pour parfaire le tableau, on a aussi retrouvé à Ribemont des ossements animaux. Ce qui semble attester qu'en ces lieux, on ne faisait pas que choisir, parmi les cadavres exposés, ceux dont on décharnerait les membres, ceux dont on broierait ou brûlerait les os. On ripaillait. "C'est difficile avec nos consciences actuelles, mais il faut imaginer un site dans lequel des corps étaient en décomposition, et dans lequel on mangeait. On banquetait avec, autour, des morts en train de pourrir, résume Jannick Ricard. Cela devait être un endroit tout à fait étrange…"

4. LE TRÉSOR DE TINTIGNAC

La lecture répétée des aventures d'Astérix a ancré dans les esprits certaines images dommageables. Difficile de se figurer le guerrier gaulois autrement que doté d'un équipement de pauvre facture – signe d'arriération technique –, le casque nécessairement affublé des plumes de quelque volaille de basse-cour. Ce qui à l'incompétence artisanale ajoute le mauvais goût. La découverte de Tintignac (Corrèze), "une découverte comme il n'en arrive qu'une fois par siècle", selon l'archéologueVincent Charpentier, raconte une tout autre histoire.

Sous un site gallo-romain connu de longue date, des archéologues menés par Christophe Maniquet (Inrap) découvrent en 2004 un sanctuaire gaulois établi sans doute au début du Ier siècle av. J.-C. Et, dans ses soubassements, une cache d'environ un mètre de côté, profonde de trente centimètres. A l'intérieur : un butin d'un demi-millier d'objets ou de fragments d'objets de fer ou de bronze, volontairement brisés. Des épées, des ­fourreaux, des fers de lance, des animaux en tôle de bronze, des pièces de mors… Et surtout dix casques – neuf en bronze, un en fer – parmi lesquels deux étrangetés esthétiques, deux pièces uniques, jamais décrites par les historiens grecs ou romains.

Le premier, le "casque-cygne", est pourvu d'une excroissance oblongue qui file vers l'arrière et d'un long cou de cygne qui décrit un arc de cercle de l'avant vers l'arrière. Le second, plus étonnant encore, arbore trois grands anneaux tangents disposés en triangle sur le dessus du casque. Fantaisie stylistique suscitée par les contacts avec les conquérants romains ? Ce n'est pas l'avis de Christophe Maniquet, qui date ces casques du IIIe, voire du IVe siècle av. J.-C. Soit deux siècles au moins avant la conquête romaine…

Il arrive aussi que les découvertes corroborent l'imagerie ancienne du guerrier gaulois. Ainsi des longues trompettes de guerre, ou carnyx, retrouvées dans la cache de Tintignac. On les voit sur toutes les anciennes représentations des troupes gauloises marchant au combat. Mais aucune n'avait jamais été retrouvée entière : si les historiens savent qu'elles étaient bien réelles, ce n'est que grâce à leurs représentations sur certains monuments romains, érigés par César ou Auguste. "Seuls des petits fragments de deux carnyx avaient été ­retrouvés au XIXe siècle, dans le Doubs et en Ecosse", explique Christophe Maniquet. Dans le butin de Tintignac, on a retrouvé sept carnyx, détériorés mais presque entiers. Pour six d'entre eux, le pavillon est une hure de sanglier ; pour le septième, c'est une tête de serpent. Un miracle archéologique. Deux de ces pièces uniques, le casque-cygne et l'un des carnyx, viennent d'être restaurées et devraient même être exposées prochainement au Musée du cloître de Tulle.

Hélas, tous les objets retrouvés dans la cache du sanctuaire gaulois de Tintignac ont été méthodiquement brisés au moment de leur enfouissement. Même les épées ont été cassées en deux. Pourquoi ? "A Tintignac, on peut suivre l'évolution d'un lieu de culte depuis sa fondation au début du Ier siècle av. J.-C. jusqu'à son abandon à la fin du IIIe siècle, après un incendie, répond Christophe Maniquet. On passe d'un sanctuaire de terre et de bois à un ouvrage maçonné au début de notre ère. Avec, au moment de la transition, l'abandon volontaire de l'ancien sanctuaire et de ses objets rituels. Je pense que ceux retrouvés dans ce dépôt sont des objets rituels gaulois qui ont été abandonnés volontairement en vue de la reconstruction du sanctuaire et de sa modification pour d'autres cultes, des rituels différents voire des divinités différentes – on ne sait d'ailleurs pas lesquelles." La conquête par Rome pourrait avoir provoqué, non un changement progressif des cultes, mais bien leur arrêt brutal et leur remplacement, ou leur réforme profonde.

Voilà qui tord le cou à un autre cliché. Car même s'ils ont été réformés abruptement après la conquête romaine, comme le suggère Christophe Maniquet, les cultes ­gaulois se pratiquaient déjà dans des temples et ne se réduisaient pas à d'obscures réunions sous des arbres centenaires, près de gués ou de sources, ou au milieu de quelque clairière perdue au fond des bois… Voilà qui prouve que, selon l'expression de Christian Goudineau, la religion gauloise n'était pas "naturaliste".

Stéphane Foucart -

Infos et images : Le Monde.fr

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