Aucun casque à plume ou corne n’a été retrouvé, mais des casques avec une esthétique très travaillées. Autant que leurs épées au tranchant redoutable, qui n’ont connu d’égale qu’avec les sabres des Samouraïs Japonais. Nos ancêtres gaulois/celtes n’habitaient pas dans des huttes à la façon de Goscinny , mais des villes avec une grande place à l’instar des romain, en moins 150 avant JC, avec ses échoppes, tavernes et habitations tout autour. Bien loin de la hutte d’Astérix et Obélix. De vaillants guerriers (dès l’âge de 14ans) chevauchant des doubles poneys qui formaient l’une des cavaleries les plus redoutables de l’époque. A l’instar des germains.
C'est ce que nous fait découvrir ce texte (ci-dessous) issu du dossier « Les Gaulois » dans Le Monde2. C'est un peu long mais cela permet de mieux comprendre ce peuple méconnu.
Ce peuple dont les français se prévalent souvent, en oubliant que le français de souche, le pur français, de part ses origines ne peut pas exister. Nombreuses étaient les tribus gauloises , germaines, nordiques qui formèrent la Gaule par la suite. Sans oublier ce que les ethnies telles que les arabes, juifs, noires et autres nous ont apporté au cours des siècles.
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Le Monde2 - Les Gaulois
Les Gaulois ? Allons donc. Les Bellovaques, les Parisii, les Andécaves, les Calètes, les Trévires, les Médiomatriques, les Carnutes… Et, plus au sud, les Eduens, les Allobroges, les Arvernes, les Santons, les Pictons, les Ambarres, les Séquanes, les Lémovices… et tant d'autres. Cette mosaïque est compliquée. Mais, pour le profane, un mot résume le tout : les Gaulois, habitants de la Gaule.
La France, la Gaule. Rarement nation moderne se sera autant référée aux images d'une si lointaine ancestralité. Des images autant déformées et simplifiées par les histoires officielles successives que par l'imagination fertile de quelques-uns – voire d'un seul, en la personne de René Goscinny, le génial père d'Astérix… Les Gaulois ? Comme le dit dans un sourire résigné l'archéologue Christian Goudineau, professeur au Collègue de France, tout le monde garde les mêmes clichés en tête : des moustachus batailleurs et frustes, arriérés et débonnaires, vaguement sylvestres, redoutant que le ciel leur tombe sur la tête. Avec, en face, la puissance civilisatrice de Rome. Ses temples, son urbanisme tiré au cordeau, ses institutions d'airain, ses légions en ordre. Ce face-à-face fantasmé et obligatoire forme une histoire simple. Un récit, remarque l'archéologue Matthieu Poux (université Lyon-II), forgée pour l'essentiel au XIXe siècle, en des temps où la France constituait son empire colonial. Une histoire simple, donc, et surtout bien commode. Car elle permet au colonisateur de dire en substance, à ceux qu'il vient de réduire : "Nous aussi, nous avons un jour été conquis et civilisés par d'autres… Alors pourquoi pas vous ?" Histoire simple, histoire fausse.
Dans les années 1960, les premières observations d'archéologie aérienne, menées par Roger Agache, font tomber un premier cliché fondamental, parfois encore enseigné aux écoliers : celui d'une Gaule "chevelue", couverte de forêts, comme l'avaient qualifiée ses conquérants romains. Erreur ! En lieu et place de ce territoire présumé presque vierge de toute agriculture, ce sont des terroirs aménagés autour de grandes exploitations agricoles qui apparaissent sous l'objectif aérien de Roger Agache. Un ensemble de pays mis en valeur, dont l'organisation compte encore pour beaucoup dans l'aspect actuel de nos campagnes.
Les archéologues ne se sont pas arrêtés là. Leurs dernières découvertes, mais aussi la relecture de sites exhumés il y a plus longtemps, dressent un portrait de nos ancêtres de l'âge du fer qui n'a plus grand-chose à voir avec celui du débonnaire Astérix et de son compagnon tailleur de menhirs… De la Somme à la Corrèze en passant par le Puy-de-Dôme, quatre sites exceptionnels racontent chacun son histoire, et tous battent en brèche les vieux clichés tenaces sur "nos ancêtres les Gaulois".
1. DANS LA CITÉ DE CORENT
Sur le site de Puy de Corent (Puy-de-Dôme), on a toujours su qu'il y avait quelque chose. "Pendant les labours, raconte l'archéologue Matthieu Poux, c'est un lieu qui a toujours livré des quantités invraisemblables de matériel gaulois : des milliers de monnaies, des centaines de milliers de tessons d'amphores, de céramiques." Il y avait quelque chose, mais quoi ? Au début des années 1990, des sondages sont effectués au centre de ce plateau de quelque 50 hectares perché à 570 mètres d'altitude et à quelque 20 kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, au cœur du territoire des Arvernes. Ils révèlent la présence d'un lieu de culte romain installé sans doute au-dessus d'un sanctuaire gaulois, mais aucun chantier en règle n'est ouvert.
En 2001, des fouilles entreprises par Matthieu Poux et menées grâce à des bénévoles, étudiants et passionnés, mettent au jour le temple gaulois que les nombreux ossements animaux laissaient deviner. Les archéologues commencent bientôt à retourner la terre hors du sanctuaire. Et ils auraient pu ne rien trouver : le quasi-vide tout autour du lieu de culte aurait été en phase avec l'idée très ancrée de rites gaulois tenus secrets, s'exerçant dans l'obscurité de la forêt et en tout cas bien loin des lieux de vie collective. A Puy de Corent, c'est tout le contraire. "Il semble qu'on ait quelque chose comme un forum “à la romaine”, détaille l'archéologue. Tous les ingrédients sont là : un temple devant une grande place, tout à côté ce qui ressemble à une halle commerciale avec des échoppes d'artisans, une taverne et, tout autour, de l'habitat : voilà une ville." Sur un peu plus d'un hectare dégagé par les chercheurs, un plan urbain, qui semble se mettre en place vers 130 avant notre ère, se dessine.
Près d'un siècle avant la conquête romaine des années 50 av. J.-C., "nos ancêtres les Gaulois" pouvaient habiter de vraies villes. Et cela contre "la représentation primitiviste du Gaulois qui imprègne encore la recherche", constate le fouilleur de l'oppidum (place forte gauloise) de Corent. Dans sa Guerre des Gaules, César évoque pourtant bien les oppida gaulois, mais l'historiographie en a longtemps retenu qu'il ne s'agissait que de petites agglomérations fortifiées servant de refuge aux populations alentours en cas d'attaque. Mais Corent était une véritable cité. Aucune construction de pierre, pourtant, mais des bâtiments aux murs de torchis construits sur poteaux de bois, et qui ressemblaient peut-être aux maisons à colombages que l'on rencontre aujourd'hui en Alsace ou en Bourgogne. La question de leur élévation est ouverte. Comme l'est, d'ailleurs, celle de l'étendue totale de la ville. Aujourd'hui, seul un peu plus d'un hectare a été fouillé, mais les chercheurs pensent que le site a pu occuper l'ensemble du plateau de Corent.
Une ville, donc. Mais laquelle ? Les quantités considérables de pièces retrouvées sur le site aux côtés de plusieurs coins monétaires indiquent qu'on y battait monnaie : "C'est le signe qu'on est ici au cœur du pouvoir politique arverne", selon Matthieu Poux. Les amphores, dont certaines ont été sabrées, décapitées d'un coup d'épée, abondent aussi : quarante tonnes de céramiques ont été sorties du seul hectare fouillé. Or ces amphores contenaient toutes du vin, produit d'importation fort coûteux en provenance… d'Italie. Les Gaulois qui vivaient là étaient donc considérés par Rome comme un partenaire commercial de première importance ! Des vaisselles à boire de facture grecque, romaine et proche-orientale montrent également que ces relations commerciales s'étendaient jusqu'à la lointaine Palestine…
Le quartier d'habitation fouillé a aussi récemment livré deux fibules en or – sortes de broches servant à tenir ensemble deux pans d'un vêtement – en provenance de Rome. "Dans toute l'Europe, on n'en a retrouvé qu'une dizaine, raconte Matthieu Poux. Ces objets étaient offerts en cadeaux diplomatiques aux personnalités les plus importantes. Même à Rome, elles n'étaient portées que par des personnages de haut rang : officiers, magistrats et, un peu plus tard, empereurs… Elles montrent la richesse et l'importance politique de ceux qui ont vécu ici."
Ce n'est pas tout. Dans le sanctuaire, les fouilleurs ont aussi retrouvé une quinzaine de crânes de carnivores – renards et parfois loups ou chiens. Une bizarrerie : "Ces animaux sont rarement retrouvés dans les sanctuaires gaulois", indique Matthieu Poux. De là à en déduire l'identité des individus qui vivaient ici au IIe siècle av. J.-C., il y a un pas. Un pas peut-être franchi avec une autre découverte faite sur le site : celle de nombreuses monnaies à l'effigie d'un renard ou d'un loup et dont les archéologues sont sûrs qu'elles ont été frappées in situ, comme le montre le nombre important de ratés de frappe. Voici donc la dernière pièce du puzzle : "Nous savons grâce aux historiens grecs et romains qu'un grand roi du nom de Luern a régné au IIe siècle avant notre ère sur le pays arverne et qu'il y a fondé une dynastie, explique Matthieu Poux. Or “luern” signifie “renard” en langue gauloise… Pour moi, ce que nous avons trouvé à Corent n'est autre que le grand sanctuaire dynastique de ce personnage."
Voilà qui pose un problème. Celui de la célèbre bataille de Gergovie, en 52 av. J.-C. Au XIXe siècle, sur la foi d'études de la toponymie des lieux et de fouilles archéologiques organisées par Napoléon III, le plateau de Merdogne – tout à côté de Clermont-Ferrand – est rebaptisé Gergovie. Mais si le pouvoir arverne était en réalité à Corent, pourquoi César aurait-il alors mis le siège ailleurs, à Merdogne, à plusieurs kilomètres au nord ? La solution est peut-être plus complexe… "Les fouilles de vérification menées au milieu des années 1990 autour du site officiel de Gergovie ne laissent pas de doute : c'est bien là qu'eut lieu la bataille, admet le fouilleur de Corent. Mais on peut penser que le développement de la ville gauloise a pu être multipolaire : la grande capitale arverne pourrait avoir été formée autour de trois pôles distants de quelques kilomètres : le premier, politique et religieux, à Corent, le deuxième, militaire, à Gergovie, et le troisième, plutôt artisanal, à Gondole…"
Du coup, le tout pourrait être ce que le géographe grec Strabon (vers 57 av. J.-C. - 20 ap. J.-C.) nommait Nemossos. Et que, par paresse ou par habitude, on assimile souvent à l'actuelle Clermont-Ferrand. "Selon Strabon, la capitale des Arvernes s'appelait Nemossos et la Loire y coulait, dit en effet Christian Goudineau, l'une des figures tutélaires de l'archéologie française, qui porte un œil bienveillant sur cette théorie. Mais on peut penser que Strabon a confondu la Loire avec l'un de ses affluents, l'Allier, qui se trouve précisément passer au pied de Corent…" En outre, les fouilles montrent que la ville a été subitement abandonnée vers 50 av. J.-C., au moment de la défaite gauloise. C'est-à-dire au moment où le pouvoir politique se délocalise dans les camps militaires romains… Les conquêtes modernes montrent, elles aussi, les palais de dirigeants vidés et désertés une fois leur défaite consommée ; le cœur battant de Bagdad n'est-il pas aujourd'hui la fameuse "zone verte", où sont concentrées les forces vives de la coalition victorieuse ?
Gergovie, Corent et Gondole, trois sites pour une même ville ? L'idée est iconoclaste autant qu'élégante. Mais elle ne suffit pas à expliquer les étonnantes découvertes faites au pied de l'oppidum de Gondole, le troisième grand site arverne connu à ce jour.
2. LA SÉPULTURE DE GONDOLE
Pour célébrer le chef de guerre gaulois, l'imagerie ancienne exhibe volontiers un cavalier moustachu monté sur une bête énorme, de la carrure des destriers médiévaux. Hélas ! La réalité minore bien souvent les images d'Epinal. Ainsi de la cavalerie gauloise. Celle-ci n'est certes pas imaginaire : elle fut même redoutable. Mais elle montait à poney.
C'est l'un des enseignements des découvertes de Gondole (Puy-de-Dôme) qui comptent parmi les plus saisissantes de la décennie écoulée. Huit hommes et huit équidés déposés en deux rangées dans une même fosse. Allongé sur le flanc, chaque homme a une main sur l'épaule de l'infortuné compagnon allongé devant lui. Quant aux montures, les marques que portent leurs membres ne laissent aucun doute : elles étaient soumises à rude épreuve et leurs cavaliers les ont sans doute menées au combat. Mais aucune d'elles ne toise plus de 1,30 mètre au garrot. Dans la terminologie moderne, ce sont donc des " doubles-poneys ". De ceux auxquels on confie sans crainte ses enfants le mercredi après-midi…
L'étrangeté de la découverte montre à quel point les Gaulois nous sont encore largement inconnus. Datée du Ier siècle av. J.-C., la sépulture collective de Gondole n'a pas d'équivalent. "Elle est tellement atypique que certains ont même brièvement pensé, lors de l'exhumation, à des vestiges de la première guerre mondiale !", raconte l'archéologue Vincent Charpentier, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Certains, minoritaires, refusent toujours d'y voir une tombe gauloise et pensent qu'il s'agit plus probablement de mercenaires germains, enrôlés par Rome outre-Rhin et tombés à la bataille de Gergovie en 52 av. J.-C., à seulement quelques kilomètres de là…
Comment savoir ? Aucune arme sur les hommes. Aucun harnachement sur leurs montures. Aucun indice des causes du décès. S'agit-il de cavaliers tombés au combat ? Est-on en présence de sacrifices humains ? César, dans La Guerre des Gaules, raconte que les "clients" – les vassaux, en quelque sorte – d'un noble guerrier gaulois doivent être mis à mort ou se suicider si leur maître vient à mourir de mort violente…
Depuis la découverte de la singulière sépulture, au printemps 2002, au pied du tertre de l'oppidum de Gondole, les archéologues ont continué leurs travaux. Tout à côté, des fouilles ont mis en évidence une intense activité artisanale centrée sur la fabrication de céramiques – de nombreux fours ont ainsi été mis au jour. Quant à l'oppidum lui-même, "les photographies aériennes y montrent une grande densité de structures", signale l'archéologue Ulysse Cabezuelo (Inrap), découvreur de la sépulture collective de Gondole. Mais, situé sur un terrain privé, l'endroit n'a pas encore été fouillé.
A défaut d'accès au tertre, les fouilleurs concentrent donc leur attention à proximité. Avec succès. "Nous avons fouillé 8 % de la plaine en contrebas de l'oppidum de Gondole et nos sondages y indiquent la présence de dix-neuf autres fosses", explique Ulysse Cabezuelo . Toutes situées en surplomb de l'Allier, toutes identiquement orientées. Ces sondages n'ont cependant pas encore donné lieu à des fouilles en bonne et due forme, et les indications qu'ils donnent sont encore limitées. Mais, dans un autre cas au moins, humains et animaux sont mêlés. Quant aux autres fosses, on y trouve les restes d'animaux domestiques, principalement des chevaux mais aussi parfois des caprins, des chiens, etc.
Etranges et insoupçonnées manières funéraires que celles des Gaulois ! Encore celles de Gondole sont-elles relativement aimables. Bien plus en tout cas que celles, effroyables, mises au jour dans le grand sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme).
3. SUR LE CHAMP DE BATAILLE DE RIBEMONT-SUR-ANCRE
Parce que la guerre moderne n'est plus celle des corps- à-corps et des grandes mêlées, les consciences modernes ne s'embarrassent plus guère de ce genre de question : après la bataille, que faire des morts ? En Europe, à l'âge du fer, la question n'est pas seulement pratique, elle est surtout religieuse. Que faire, donc, pour ne pas outrager les dieux ? Donner une sépulture aux vainqueurs et laisser les vaincus pourrir sur le lieu de leur défaite ? Brûler les uns et pas les autres ? Réserver à toutes les dépouilles le même traitement ? Confrontés à ces questions difficiles, "nos ancêtres les Gaulois" ont apporté des réponses compliquées. Les archéologues commencent à en découvrir les ressorts, dans les vestiges du sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme).
Immense, le site n'a été découvert qu'en 1963, grâce aux photographies aériennes deRoger Agache . "On a d'abord pensé qu'il s'agissait d'une grande ferme gallo-romaine", raconte Jean-Louis Brunaux (CNRS/Ecole normale supérieure), dernier archéologue à avoir fouillé l'endroit. Avant de bien vite réaliser qu'il était en réalité composé d'un temple dédié à Mercure, d'habitations et de thermes. Mais sous le site gallo-romain, les premiers fouilleurs découvrent, dans les années 1980, des quantités colossales de matériaux remontant au IIIe siècle av. J.-C. Au total, des dizaines de milliers d'ossements, d'armes ou de fragments d'armes ont été exhumés. Plusieurs centaines de corps ont sans doute été rassemblés sur ce charnier. A Ribemont-sur-Ancre, on s'est donc abondamment massacré : quoi d'autre, sinon une grande bataille, aurait pu produire autant de morts accoutrés pour la guerre ?
Les chercheurs en ont acquis la conviction : c'est d'un sanctuaire guerrier qu'il s'agit. Un ensemble complexe d'enclos érigés par les vainqueurs d'une bataille épique, un lieu destiné à la prise en charge des morts des deux camps. Deux camps : Gaulois belges contre Gaulois armoricains. "La bataille a eu lieu vers 260 avant notre ère, sur une étendue de 150 hectares en contrebas du sanctuaire, idéale pour un affrontement, explique Jean-Louis Brunaux. Des Gaulois belges, les Ambiens, s'installent dans la région après avoir franchi le Rhin. Ce qui est vu d'un mauvais œil par les Armoricains, qui ont la main sur le commerce avec les îles Britanniques mais doivent aussi, pour cela, conserver le contrôle de leur arrière-pays." Les Ambiens écrasent les Armoricains. Et s'installent durablement dans la région : ils donneront leur nom à la ville d'Amiens.
C'est en étudiant les monnaies retrouvées dans deux enclos distincts que les archéologues ont découvert que les corps des vainqueurs et des vaincus tombés au combat n'avaient pas subi le même sort. Les Ambiens ont déposé les cadavres des vaincus dans des constructions attenantes à un vaste enclos quadrangulaire délimité par des fossés. Plusieurs centaines de corps – tous décapités, puisque les têtes étaient systématiquement prélevées comme trophées – ont ainsi été entreposés sur ce qui semble avoir été des estrades surélevées. Puis les Ambiens sont revenus régulièrement sur le sanctuaire, pendant plusieurs années, prélever des ossements sur les dépouilles exposées là, pour les broyer, les brûler et pour enfin en placer les esquilles dans des ossuaires situés à l'intérieur de l'enclos… Des ossuaires qui, comble de l'étrangeté, pouvaient être eux-mêmes fabriqués à partir d'ossements humains, comme en témoigne une construction cubique de deux mètres de côté et constituée d'un assemblage d'os longs.
"On a sans doute affaire à un rituel qui a duré plusieurs années, sans doute plusieurs décennies, suppose Jean-Louis Brunaux. C'est une manière de rendre les corps des vaincus aux dieux. C'est parfaitement raconté par l'historien grec Poseidonios d'Apamée (135-51 av. J.-C.) qui nous dit que les guerriers gaulois, parfois en pleine bataille, coupaient la tête de ceux qu'ils venaient de tuer et remettaient le corps à leur servant d'armes, qui l'emportait en procession solennelle… Il ne précise pas où, mais c'était sans doute dans des sanctuaires comme celui-ci."
Quant aux morts du camp victorieux, ils ont été placés par leurs compagnons d'armes dans un enclos circulaire un peu plus petit, délimité par de hautes palissades. Mais il semble que ces corps aient auparavant subi une manière de préparation. Laquelle ? A quelle fin ? Nul ne sait. "Sur ces os, il a été trouvé beaucoup de lésions traumatiques, probablement des lésions de combat mais aussi des lésions d'acharnement ou de défoulement – sur une petite longueur d'os, dix à douze impacts parallèles et précis, ce qui laisse supposer que le guerrier sur lequel on a appliqué ces coups était soit mort soit hors de combat, raconte Jannick Ricard , médecin légiste, praticien au CHU d'Amiens, qui étudie les ossements du site. Il y a des lésions de démembrement au niveau d'articulations, notamment au niveau du genou, comme si l'os avait été coupé par un couperet. Enfin, des lésions de décharnement laissent penser qu'on a tenté de préparer les corps – à quelles fins, on ne le sait pas – en enlevant le muscle avec des instruments très fins et très aiguisés."
Ces ossements sont riches d'enseignements. Ils montrent ainsi que ces Gaulois étaient de solides gaillards – à l'exception de quelques spécimens juvéniles, preuve que des adolescents d'à peine 14 ans pouvaient partir ferrailler pour de vrai. "Les individus étaient d'une stature moyenne de 1,75 mètre, ce qui est très important puisque c'est celle des Français actuels", note ainsi Jannick Ricard. Par ailleurs, le médecin a retrouvé des fémurs et des tibias tranchés net, d'un seul coup d'épée. Ce qui témoigne de la force physique des belligérants mais aussi du tranchant de leurs armes, signe d'une incomparable maîtrise du travail des métaux. "On ne connaît rien de tel, dit ainsi Jean-Louis Brunaux, sauf peut-être, bien plus tard, dans le Japon médiéval, avec les sabres des samouraïs."
Pour parfaire le tableau, on a aussi retrouvé à Ribemont des ossements animaux. Ce qui semble attester qu'en ces lieux, on ne faisait pas que choisir, parmi les cadavres exposés, ceux dont on décharnerait les membres, ceux dont on broierait ou brûlerait les os. On ripaillait. "C'est difficile avec nos consciences actuelles, mais il faut imaginer un site dans lequel des corps étaient en décomposition, et dans lequel on mangeait. On banquetait avec, autour, des morts en train de pourrir, résume Jannick Ricard. Cela devait être un endroit tout à fait étrange…"
4. LE TRÉSOR DE TINTIGNAC
La lecture répétée des aventures d'Astérix a ancré dans les esprits certaines images dommageables. Difficile de se figurer le guerrier gaulois autrement que doté d'un équipement de pauvre facture – signe d'arriération technique –, le casque nécessairement affublé des plumes de quelque volaille de basse-cour. Ce qui à l'incompétence artisanale ajoute le mauvais goût. La découverte de Tintignac (Corrèze), "une découverte comme il n'en arrive qu'une fois par siècle", selon l'archéologueVincent Charpentier, raconte une tout autre histoire.
Sous un site gallo-romain connu de longue date, des archéologues menés par Christophe Maniquet (Inrap) découvrent en 2004 un sanctuaire gaulois établi sans doute au début du Ier siècle av. J.-C. Et, dans ses soubassements, une cache d'environ un mètre de côté, profonde de trente centimètres. A l'intérieur : un butin d'un demi-millier d'objets ou de fragments d'objets de fer ou de bronze, volontairement brisés. Des épées, des fourreaux, des fers de lance, des animaux en tôle de bronze, des pièces de mors… Et surtout dix casques – neuf en bronze, un en fer – parmi lesquels deux étrangetés esthétiques, deux pièces uniques, jamais décrites par les historiens grecs ou romains.
Le premier, le "casque-cygne", est pourvu d'une excroissance oblongue qui file vers l'arrière et d'un long cou de cygne qui décrit un arc de cercle de l'avant vers l'arrière. Le second, plus étonnant encore, arbore trois grands anneaux tangents disposés en triangle sur le dessus du casque. Fantaisie stylistique suscitée par les contacts avec les conquérants romains ? Ce n'est pas l'avis de Christophe Maniquet, qui date ces casques du IIIe, voire du IVe siècle av. J.-C. Soit deux siècles au moins avant la conquête romaine…
Il arrive aussi que les découvertes corroborent l'imagerie ancienne du guerrier gaulois. Ainsi des longues trompettes de guerre, ou carnyx, retrouvées dans la cache de Tintignac. On les voit sur toutes les anciennes représentations des troupes gauloises marchant au combat. Mais aucune n'avait jamais été retrouvée entière : si les historiens savent qu'elles étaient bien réelles, ce n'est que grâce à leurs représentations sur certains monuments romains, érigés par César ou Auguste. "Seuls des petits fragments de deux carnyx avaient été retrouvés au XIXe siècle, dans le Doubs et en Ecosse", explique Christophe Maniquet. Dans le butin de Tintignac, on a retrouvé sept carnyx, détériorés mais presque entiers. Pour six d'entre eux, le pavillon est une hure de sanglier ; pour le septième, c'est une tête de serpent. Un miracle archéologique. Deux de ces pièces uniques, le casque-cygne et l'un des carnyx, viennent d'être restaurées et devraient même être exposées prochainement au Musée du cloître de Tulle.
Hélas, tous les objets retrouvés dans la cache du sanctuaire gaulois de Tintignac ont été méthodiquement brisés au moment de leur enfouissement. Même les épées ont été cassées en deux. Pourquoi ? "A Tintignac, on peut suivre l'évolution d'un lieu de culte depuis sa fondation au début du Ier siècle av. J.-C. jusqu'à son abandon à la fin du IIIe siècle, après un incendie, répond Christophe Maniquet. On passe d'un sanctuaire de terre et de bois à un ouvrage maçonné au début de notre ère. Avec, au moment de la transition, l'abandon volontaire de l'ancien sanctuaire et de ses objets rituels. Je pense que ceux retrouvés dans ce dépôt sont des objets rituels gaulois qui ont été abandonnés volontairement en vue de la reconstruction du sanctuaire et de sa modification pour d'autres cultes, des rituels différents voire des divinités différentes – on ne sait d'ailleurs pas lesquelles." La conquête par Rome pourrait avoir provoqué, non un changement progressif des cultes, mais bien leur arrêt brutal et leur remplacement, ou leur réforme profonde.
Voilà qui tord le cou à un autre cliché. Car même s'ils ont été réformés abruptement après la conquête romaine, comme le suggère Christophe Maniquet, les cultes gaulois se pratiquaient déjà dans des temples et ne se réduisaient pas à d'obscures réunions sous des arbres centenaires, près de gués ou de sources, ou au milieu de quelque clairière perdue au fond des bois… Voilà qui prouve que, selon l'expression de Christian Goudineau, la religion gauloise n'était pas "naturaliste".
Stéphane Foucart -
Infos et images : Le Monde.fr
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