L'Islande, les Celtes et l'Irlande

On entend souvent parler de l'Islande comme étant une "réserve" de purs scandinaves dit "Vikings", pourtant ça n'est pas tout à fait le cas.
Bien entendu ses habitants sont d'origine scandinave mais aussi celtique, pour des raisons historiques que précise Régis Boyer.

Beaucoup de celtes devenus esclaves (Appelé þrœl - þrœlar au pluriel) des scandinaves, pouvaient être affranchis rapidement et ainsi devenir des hommes libres (bændr - bondi au singulier). Les esclaves ne pouvaient pas être blessés ou tués impunément par un propriétaire bondi. Certains celtes étaient venus pour coloniser l'Islande au même titre que les norvégiens, après 874. Beaucoup de femmes celtiques étaient capturés pour devenir les femmes des Islandais de l'époque. Il créèrent ensembles le Althing en 930 à Þingvellir.

Erik le Rouge était moitié celte moitié scandinave. Comme le rappelle Régis boyer dans son interview. Les preuves artistiques archéologiques, littéraires démontrent tout cela à travers les sagas ainsi qu'avec les entrelacs. Preuves de ces échanges et apports mutuels.

"874-930 Les celtes sont pratiquement majoritaire en Islande.
L'Islande n'a jamais été une isle de Viking mais bien une communauté faite d'autant de scandinaves que de celtes. Les vestiges artistiques et littéraires actuels sont beaucoup plus celtiques dans l'esprit, que scandinaves. Les Celtes avaient des récits de voyages fabuleux que connaissaient les aieux d'Erik le Rouge qui était moitié celte moitié scandinave." (Régis Boyer)

Régis Boyer précise ceci:

Il nous reste quelques mots à dire de l'Irlande, en rappelant que dès les origines (et même avant, si l'on peut dire, puisqu'il est établi que, bien avant 874, les deux îles étaient en relation par l'intermédiaire des ermites irlandais ou papar qui allaient volontairement s'exiler en Islande) les contacts furent incessants entre les deux pays. On connaît, d'autre part, l'extrême popularité et la diffusion dans toute l'Europe du monarchisme et de la spiritualité irlandaise. Enfin, j'ai (Régis Boyer) insisté au passage, au chapitre II, sur l'apport celtique, considérable en vérité, lors de la colonisation de l'Islande.
Or l'Irlande disposait de traditions et d'une littérature, poétique ou en prose, très riche et fort ancienne. Elle affectionnait en particulier les récits d’aventures du genre navigation, ou relations de batailles, ou même vies de rois qui trouvent souvent de surprenants échos dans les lettres islandaises. Sur le type navigation, il existe en Islande une Brandanus Saga (à propos de Stain Brendan, inspirée de sa vita latine, elle-même rédigée vers 800) datant du début du XIII^ème siècle ou plus tôt et qui a dû excercer une forte influence sur les visions contenues dans les sagas romanesques. Les fameux Codagh Gaedhel re Gallaibh (début du XII^ème siècle) est une sorte de saga guerrière. Quant à trouver une véritable saga à l'islandaise, centrée sur un héros dont elle suit la vie en en rapportant les hauts faits, il suffit de citer le Caithrein Cellachain Caisil ou Carrière victorieuse de Cellachan de Cashel ! (Régis Boyer - les Sagas islandaises - P.74)

Il est intéressant de noter que les entrelacs ne sont pas uniquement celto-nordique. Il en existait aussi en Orient et Extrême-Orient.

Entrelacs à Mornac sur Seudre

George Bain répertoria, au début des années 50, quelques types d’ornementation entrelacés dans des lieux aussi divers que l’Egypte (tombe de Toutankamon, 1375/1350 av. JC), l’Afrique (broderies de Hausa) auxquels il rajouta pour la même période l’empire byzantin. (George Bain : Celtic Art, the methods of construction, Constable, London, 1951 ; p. 27.)
Il signala, par ailleurs la présence des entrelacs "dans tous les peuples qui bordent la Méditerranée, la mer Noire et la mer Caspienne " : les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Maures, les Perses, les Turcs, les Arabes, les Syriens, les Hébreux et les tribus nord-africaines. L’artiste irlandais qui relança la vogue de l’art celtique n’oublia pas de mentionner les quelques petits symboles entrelacés découverts quelques milliers d’années avant notre ère chez les Chinois. Source

On pourra noter que le serpent est utilisé dans l'Art scandinave, alors que cet animal est peu présent dans ces pays, à cause du climat. On le retrouve dans les textes mythologiques (Jörmungand, qui entoure Midgardr). Tout ceci laisse à penser que les peuples se sont cotoyés et ont échangé librement leur savoir.

Ce sera ensuite dans l'art Roman que l'on retrouvera l'art ancien de l'entrelacs à travers les chapiteaux de colonnes en passant par les fonds baptismaux ou les pavements des églises, la sculpture romane perpétue cette symbolisation de l'infini.

Les scandinaves n'étaient pas ethnocentriste. Ils s'assimilaient rapidement à la population autochtone. La Normandie est un bon exemple. Le roi Franc (les Francs sont des germains source) Jean le Simple céda la Normandie à Rollon le norvégien, en 911, par le traité de Saint-Clair-sur Epte . Les scandinaves s'assimilèrent rapidement à la population de la région de Normandie, comme ils le firent en Angleterre, Irlande, Ecosse, etc qu'ils dominèrent durant des siècles.

Chaudron de Gundestrup - découvert dans une tourbière au Danemark.